Lexploitation des personnes
âgées
Mémoire de lOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec présenté à la Commission des droits de la personne et des droits de la
jeunesse dans le cadre de sa consultation générale sur le sujet en titre
Adopté par le Bureau de lOIIQ à la réunion du 10 février 2000
février 2000
Veiller à ce que la dignité et la
qualité des soins dispensés aux personnes âgées soient établies, maintenues et protégées,
et à ce que les personnes âgées ne soient pas exploitées et à ce quelles
ne soient pas victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques.
Déclaration de Montréal 4e Conférence mondiale
de la Fédération internationale du vieillissement (1999)
Table des matières
Préambule
Les situation d'exploitation
- Insuffisance
de soins
- Manque
de respect de la vie privée et de la dignité de la personne
- Violence
physique et verbale
Les moyens d'intervention
- Moyens d'intervention
touchant les CHSLD
- Moyens
d'intervention touchant les résidences privées
Conclusion
Notes de bas de pages
Bibliographie
Préambule
Les phénomènes reliés à la violence envers les personnes sont en
progression constante dans notre société nord-américaine. Les êtres
les plus vulnérables représentent des cibles de choix sur lesquelles
ils sont le plus souvent dirigés. Parmi ces derniers se retrouvent
les personnes âgées; limportance grandissante de leurs déficits
physiques et cognitifs accroît dautant leur fragilité et leur
dépendance et en font trop souvent des victimes dexploitation
toutes désignées. De plus, les messages âgistes1 (Conseil
des aînés, 1995 : 26), nourrissent trop facilement le sentiment
quil ny a pas de réelle gravité à faire preuve de violence à lendroit
des personnes aînées.
Dans lexercice de leur profession2 les
membres de lOrdre des infirmières et infirmiers du Québec sont
quotidiennement en contact avec une grande partie des besoins et
des misères que vivent bon nombre de personnes âgées particulièrement
vulnérables. Cette expérience conduit les infirmières à se préoccuper
des diverses situations dexploitation de ces personnes et à sintéresser à tout
ce qui peut leur venir en aide et favoriser le respect de leurs droits
et lamélioration de leurs conditions de vie.
De son côté, en tant quorganisme voué à la protection du public,
lOIIQ se préoccupe vivement de la situation des personnes âgées
dans notre société et particulièrement de toutes celles qui nécessitent
des soins de santé, à domicile, en milieux institutionnels et en
milieux dhébergement privé. Au cours des dernières années,
le Bureau de lOIIQ a manifesté un souci marqué pour les conditions
de vie des personnes âgées et de nombreuses discussions et décisions
de lOIIQ sur ce sujet en témoignent.
Cette préoccupation sest reflétée dans les visites dinspection
professionnelle. Une grande partie des éléments de la problématique
de lexploitation des personnes âgées contenus dans ce mémoire
repose sur les observations faites au cours de ces programmes dinspection
professionnelle.
Sajoutant à cette source dinformation, lOIIQ dispose également
des informations que communiquent quotidiennement les infirmières
par mode téléphonique. Plusieurs de ces signalements concernent les
soins aux personnes âgées vulnérables. Elles fournissent ainsi un
ensemble de données descriptives de la situation. Également, les
membres du Bureau, provenant des 12 sections identifiées au Règlement
divisant le territoire du Québec en régions aux fins de la représentation
au Bureau de lOIIQ, confirment limportance et létendue
du phénomène de lexploitation des personnes âgées en partageant
lexpérience et les inquiétudes des infirmières avec lesquelles
elles sont régulièrement en contact par le biais des divers ordres
régionaux.
La somme dinformations dont dispose lOIIQ relativement
aux questionnements de la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse sur lexploitation des personnes âgées,
de même que limportance du sujet et le caractère inacceptable
de la moindre action qui sy réfère, constituent lélément
déclencheur et la raison dêtre du présent mémoire. Les infirmières
ne peuvent se soustraire à lobligation de dire ce quelles
savent dans lespoir de contribuer, ne fusse quun tant
soit peu, à éclairer cette zone peu reluisante de notre réalité québécoise
et partant, à améliorer le sort de certaines personnes parmi les
plus vulnérables et les plus démunies, bien souvent à tous les points
de vue.
Bien des documents font foi de toutes les réflexions déjà existantes
sur le sujet de la consultation dans le cadre de laquelle sinscrit
ce mémoire. De nombreux organismes et associations, comités et conseils
de toutes sortes ont déjà fait entendre leur voix3.
Le document produit par la Commission pour accompagner la production
de mémoires témoigne de lavancement de la question et de la
connaissance quelle en a, au moment de lancer le processus
de consultation. Ce qui est maintenant recherché au cours de cette
démarche collective, cest « un partage des expériences à une
double fin :
- tout dabord, mieux répertorier et comprendre les situations
dexploitation les plus fréquentes et les plus sérieuses;
- ensuite, affiner et concerter les moyens dintervention
pour enrayer ce phénomène dexploitation ».
Sans avoir entrepris denquête scientifique, sans avoir mené détudes
exhaustives des situations mentionnées dans les pages qui suivent,
lOIIQ veut apporter sa contribution en partageant les principales
constatations issues de ses activités régulières et les pistes de
solutions quil envisage pour annihiler le plus possible les
phénomènes reliés à lexploitation des personnes âgées.
Une approche systémique aurait exigé denglober tous les lieux
où se rencontrent des besoins de personnes âgées vulnérables :
domicile, hôpital, centre dhébergement et de soins de longue
durée, résidence privée pour personnes âgées. Nonobstant la valeur
indiscutable dune telle approche, lOIIQ a choisi de concentrer
les constatations contenues dans ce mémoire autour des deux pôles
pour lesquels il possède actuellement le plus de données claires
et probantes, soit les CHSLD et les résidences privées pour personnes âgées.
Ce choix ne signifie aucunement que lOIIQ se désintéresse
de langle communautaire sous lequel se pratique de plus en
plus laide aux personnes âgées, notamment par les programmes
de maintien à domicile. LOIIQ se préoccupe également de la
clientèle âgée et vulnérable dans les centres hospitaliers de soins
de courte durée. La vigilance relative aux manifestations dexploitation
de ces personnes doit sans contredit englober tous ces secteurs.
Toutefois, pour mieux assurer la portée du message, il a fallu concentrer
le faisceau des observations et des recommandations et, ce faisant,
cibler, restreindre le champ dintervention, en espérant que
dautres mémoires apporteront les compléments nécessaires à une
saisie exhaustive de la réalité.
Les situations dexploitation
Dans le cadre des programmes de surveillance de lexercice
infirmier, un projet de vérification a été mis en oeuvre afin dévaluer
lexercice infirmier dans 20 CHSLD, en 1995-1996 et dans 20
résidences privées, en 1996-1997. Cette même année, 9 CHSLD ont aussi
fait lobjet de surveillance. En 1997-1998, 10 résidences privées
et 9 CHSLD ont reçu la visite des conseillères-enquêteures de lOIIQ.
En 1998-1999, 8 résidences privées et 11 CHSLD ont été visités. Au
cours de ces démarches, trois types de situations dexploitation
des personnes âgées ont été observées comme particulièrement
problématiques et persistantes :
- linsuffisance des soins;
- le manque de respect de la vie privée et de la dignité de la
personne;
- la violence physique et verbale.
Sont-elles les plus sérieuses? Leur importance ne fait aucun doute.
Jusquà quel point sont-elles courantes? Il est impossible de
comptabiliser les faits et gestes que recouvre chacun des types identifiés.
Autant en milieu institutionnel que dans les résidences du secteur
privé, la déclaration dincidents est souvent très aléatoire
et directement reliée au climat qui prévaut dans létablissement
selon que celui-ci est punitif ou centré sur la recherche damélioration
de la qualité. Quoi quil en soit, lOIIQ considère quen
cette matière un seul cas est un cas de trop. Seule la tolérance
zéro est défendable lorsquil sagit de lexploitation
des personnes âgées.
Cet aspect de lexploitation des aînés est celui qui est le
plus souvent observé par lOIIQ. Il recouvre quatre réalités
comportant, autant lune que lautre, un risque de préjudice
important pour les aînés vulnérables.
Niveau de soins et d'assistance dans
les CHSLD
La première a trait au niveau de soins et dassistance prodigués
aux personnes âgées en perte dautonomie dans les CHSLD. On
remarque sur ce plan que, dans ces établissements, les personnes âgées
sont structurellement privées de soins nécessaires à leur santé et à leur
bien-être. Selon lAssociation des CLSC et des CHSLD du Québec,
la situation actuelle ne permet pas de répondre à plus de 68 % des
besoins de soins et dassistance des personnes qui y vivent
(Association des CLSC et des CHSLD du Québec, 1999 : 4). Ce
chiffre représente la moyenne du temps réellement consacré à répondre
aux besoins des résidents par rapport au temps qui serait véritablement
requis pour répondre adéquatement.
Il devient impérieux de remettre en question la norme implicite
dun taux de réponse aux besoins situé à 70 % ou 75
% selon les régions pour les besoins de soins infirmiers
et dassistance. Norme qui, par ailleurs, nest
même pas à lheure actuelle respectée. Certains établissements
sont bien en dessous de ce seuil et la moyenne provinciale
se situe encore en 1997-1998 à 68,3 %. En effet, accepterions-nous
dêtre traités à 75 % en cas dune crise cardiaque!
Tous les Québécois méritent des services irréprochables.
(Association des CLSC et des CHSLD du Québec, 1999 :
5)
Avec lAssociation, lOIIQ dénonce cette situation dexploitation
de personnes qui figurent parmi les plus vulnérables de notre société.
Le déficit en soins infirmiers auquel elles doivent faire face nest
pas sans conséquences : il se traduit par une utilisation trop
répandue des contraintes physiques et un manque de mesures de prévention
des lésions de pression, pour ne mentionner que ces exemples. Des
statistiques de lOIIQ portant sur un échantillon de 20 CHSLD
visités en 1995-1996 sont éloquentes à cet égard. En effet, 4,5 %
des personnes hébergées ont présenté des lésions de pression au cours
de lannée et le taux daccident causant des blessures était
de 39 %. Ces accidents ont même nécessité lhospitalisation
de 52 personnes.
La réalité est dautant plus sombre que, au dire dinfirmières uvrant
en CHSLD, les grilles utilisées pour établir le niveau des besoins
de soins et dassistance des personnes ne tiennent pas suffisamment
compte des déficits cognitifs. Or, la clientèle atteinte de déficits
cognitifs et de troubles de santé mentale ne cesse de croître dans
les CHSLD et il en est de même pour limportance des déficits
observés.
Privation de liberté et de bien-être
La seconde réalité que recouvre lexpression insuffisance
de soins concerne la privation de liberté et de bien-être que
représente lusage immodéré des contentions. Selon lAssociation
des CLSC et des CHSLD du Québec (1999 : 4), près de 3 personnes
sur 10 vivant dans les centres dhébergement et de soins de
longue durée, ont des contentions physiques. Il nest pas
rare, en effet, dy voir des personnes immobilisées, attachées
dans leur lit ou coincées sur des chaises spécialement conçues à cette
fin. Nest-il pas tentant, en situation de manque de personnel,
de recourir également à des " contentions chimiques ",
capables de réduire, grâce à une simple petite pilule, lagitation
de personnes qui ne traduit souvent que des besoins non comblés?
Ces personnes ont besoin de marcher pour maintenir leur capacité motrice.
Lun des effets directs des contentions est la régression. Peu à peu,
les personnes âgées immobilisées perdent leur autonomie. Privées
dassistance et de surveillance, elles senfoncent dans
limmobilisme et la dépendance.
La Loi sur les services de santé et les services sociaux stipule
pourtant que :
La force, lisolement, tout moyen mécanique
ou toute substance chimique ne peuvent être utilisés, comme
mesure de contrôle dune personne dans une installation
maintenue par un établissement, que pour lempêcher de
sinfliger ou dinfliger à autrui des lésions. Lutilisation
dune telle mesure doit être minimale et exceptionnelle
et doit tenir compte de létat physique et mental de la
personne.
L.R.Q., c. S-4.2, a. 118.1
Il est clair que le manque de personnel est à la source de cet état
de fait. Toutefois, la loi ne prévoit pas quon puisse avoir
recours à la contention de façon habituelle pour remplacer le personnel.
En outre, cette raison nexplique pas à elle seule toutes les
contentions utilisées. Le manque dexploration des alternatives
est aussi en cause : la solution facile et automatique est trop
souvent la contention.
En définitive, de plus en plus de résidentes et de résidents des
CHSLD ont et auront besoin daide et de surveillance pour se
déplacer sans danger. En labsence de ressources humaines suffisantes,
en labsence dimagination et de recherche dalternatives,
en labsence de programmes de réduction des contentions, on
utilise des ressources mécaniques et chimiques. Incapables de se
défendre, les personnes âgées ne sont-elles pas, en ces cas, victimes
de manque de soins appropriés?
Manque d'équilibre entre milieu de
vie et milieu de soins
La troisième réalité que contiennent les mots insuffisance de soins
se rapporte au défi que doivent relever les CHSLD, dêtre des
milieux de vie tout en étant des milieux de soins. En ce domaine,
comme en bien dautres, le balancier oscille, souvent selon
les modes.
Il fut un temps où dans ces centres les résidentes et résidents étaient
soumis à des horaires et des routines rigides : réveil aux aurores,
déjeuner en chur suivi de lheure de la toilette pour
tous, etc. Les protestations se sont élevées pour faire comprendre
aux responsables que les personnes qui y vivaient navaient
que ce milieu de vie pour tout partage. Aujourdhui, on peut
observer des CHSLD où des infirmières ont été remplacées par des éducateurs,
dans le but de procurer aux personnes âgées un milieu de vie axé sur
les dimensions sociorécréatives, souvent au détriment des autres
soins de santé.
Dans certains CHSLD, la philosophie du milieu de vie a banalisé limportance
des soins infirmiers. Dans certains établissements, on ne prévoit
plus la présence dune infirmière sur les quarts de soir et
de nuit. Dans certains cas, les ratios ne sont que dune infirmière
pour 60 patients le jour et une infirmière pour 200 patients pendant
la nuit alors que la clientèle présente des maladies et des déficits
de plus en plus graves. Ainsi, des patients hospitalisés retournent
chez eux, au CHSLD, dès que la phase aiguë de leur maladie est passée.
Linsuffisance respiratoire chronique, la dialyse péritonéale,
ladministration de la médication cytotoxique, lantibiothérapie
intraveineuse, lalimentation parentérale sont autant de situations
cliniques rencontrées actuellement en CHSLD. Elles nécessitent sans
contredit lintervention de linfirmière, souvent sollicitée
de façon concomitante pour répondre aux besoins immédiats dautres
résidents.
LOIIQ a été informé, à de très nombreuses reprises, de situations
illégales et inquiétantes au plan de la protection du public. Ainsi,
dans certains CHSLD, on fait appel à des éducateurs pour superviser
les soins infirmiers et prendre des décisions cliniques.
En résumé, il faut admettre la difficulté pour de nombreux CHSLD
de concilier les impératifs dun milieu de soins et ceux dun
milieu de vie. Il faut également constater lécart entre les
besoins de soins nécessitant la présence de linfirmière et
la présence de cette dernière. De surcroît, on ne peut faire abstraction
de limpossibilité totale, pour bon nombre de CHSLD, davoir
accès aux services dinfirmières cliniciennes spécialisées en
gériatrie4. Au
même moment, des clients âgés et fragiles sont privés de leur droit
dêtre soignés selon les exigences de leur condition.
Manque d'adéquation entre les besoins
et ressourcesLa quatrième réalité contenue dans cette manifestation de lexploitation
des personnes âgées caractérisée par lexpression insuffisance
de soins, réfère à des situations surtout rencontrées dans le réseau
des résidences privées. Il sagit de ladmission ou du
maintien en résidence de personnes trop malades ou trop lourdement
handicapées en regard des ressources disponibles.
Au moment des premières démarches pour être admise dans une résidence
privée, lévaluation de létat de santé physique et cognitive
de la personne âgée doit être effectuée. Dans certains cas, cette évaluation
se limite à quelques questions vagues. De plus, on laisse parfois
miroiter des services de surveillance et de soins infirmiers 24 heures
par jour alors que dans les faits, ces soins peuvent nêtre
assurés que par une infirmière auxiliaire et à certaines heures,
par une personne préposée aux résidents. Cette situation entraîne
le risque dinsuffisance de soins pour des personnes âgées,
souvent sans méfiance face à linformation quon leur donne,
et qui ont à prendre une décision difficile.
Ce constat effectué par lOIIQ est corroboré par la Régie régionale
de Montréal-Centre. Dans un document récent, il est question du " phénomène
du développement anarchique et de la prolifération des ressources
dhabitation privées qui hébergent des personnes en perte dautonomie
sans détenir lautorisation requise ". On ajoute : " Le
problème a pris une telle ampleur dans les dernières années que la
Régie régionale est sollicitée de toute part pour agir, afin dassurer
la protection des personnes qui demeurent dans ces ressources " (Régie
régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre
1998 : 3).
Il arrive aussi que la santé dune personne aînée se détériore
et quaucune place ne soit libre pour laccueillir dans
un CHSLD, ces derniers nadmettant, le plus souvent, que des
personnes qui nécessitent plus de 2,5 ou même 3 heures-soins par
jour. Parfois, des personnes âgées dont les besoins se rapprochent
de cette norme, sans toutefois latteindre, doivent continuer
de vivre dans des résidences privées qui nont aucunement les
ressources nécessaires. Certains CLSC, limités par des ressources
insuffisantes, doivent restreindre les services aux personnes qui
habitent en résidences pour personnes âgées, privilégiant les interventions
aux domiciles privés.
Lors des visites dinspection professionnelle, les enquêteures
de lOIIQ ont constaté que, dans plusieurs résidences privées,
on faisait appel à des préposés aux bénéficiaires pour dispenser
des soins infirmiers, notamment les soins reliés aux plaies de pression,
aux ulcères de jambes, aux changements de pansements et à lentretien
des stomies. Certains administrateurs iront jusquà permettre à des
préposés aux bénéficiaires dadministrer de linsuline
ou dautres médicaments (Ordre des infirmières et infirmiers
du Québec, 1998 : 10). Il arrive que des personnes dont la maladie
dAlzheimer en est à sa phase terminale vivent dans des résidences
privées où le personnel na aucune formation pour intervenir
en pareil cas.
Ainsi, dans de nombreuses résidences privées du Québec, les préposés
donnent des soins pour lesquels ils ne sont pas qualifiés. Croyant
bien faire, ils risquent de déplacer celui ou celle qui est tombé et
souffre de fracture. Au lieu de faire venir lambulance, ils
risquent de donner un simple remède pour la digestion à celui ou
celle qui souffre de douleur rétrosternale. De façon générale, ils
ne disposent pas de consignes claires et ils ne peuvent référer à une
infirmière autorisée. Ils assurent seuls la surveillance et doivent évaluer
seuls les situations. Pourtant, force est de constater que létat
de santé de la clientèle des résidences privées daujourdhui
correspond à celui quon observait dans les centres dhébergement
dautrefois. En de nombreux endroits loffre de service
nest pas ajustée à la population vieillissante.
Certaines personnes âgées refusent de quitter une résidence privée,
par crainte de linconnu, par désir de conserver la qualité de
vie quelles y ont trouvée, par incapacité dévaluer la
gravité de leur état, etc. Il ne sagit pas ici denvoyer
contre son gré en CHSLD toute personne dont la santé samenuise.
Il sagit plutôt de bien évaluer ses besoins et de discuter
avec elle, ou les membres de sa famille dans les cas de déficits
cognitifs importants, la pertinence dun transfert ou lachat
de services additionnels, selon leur décision.
Il faut le dire, le propriétaire qui accepte une personne âgée dont
les besoins de soins dépassent les ressources dont il dispose, exploite
cette personne. Il la prive des soins auxquels elle a droit.
Dautres situations pourraient être décrites en relation avec
lexploitation potentielle des personnes âgées dans les résidences
privées5. Ainsi,
en 1996-1997, les enquêteures de lOIIQ avaient observé, à lintérieur
du programme dinspection professionnelle, un ensemble déléments
relatifs à ladéquation du milieu de vie. Elles avaient alors
noté, dans les résidences privées visitées, plusieurs obstacles à lévacuation
en cas durgence : difficulté daccès aux clés dappartement,
absence de plan dévacuation, absence de liste de mobilité des
résidents, extincteurs ou détecteurs de fumée non fonctionnels, etc.
Cependant, ce travail de vérification systématique ne relevant pas
de lOIIQ mais plutôt des municipalités, il a été abandonné.
Depuis, des régies régionales ont adopté un cadre de référence en
ce qui regarde les services offerts en résidences privées. En outre,
dans certaines régions, des équipes de vérification se sont constituées
et ont visité les résidences privées de personnes âgées. Ainsi en
est-il du projet de la Rose dOr mis en uvre par la Fédération
de lÂge dOr du Québec (FADOQ) dans diverses régions,
du projet du CLSC La Chenaie dans la région dActon, des CLSC
La Source et Orléans en collaboration avec la FADOQ de la banlieue
nord de Québec, etc. Des résultats très positifs ont été enregistrés.
En résumé, pour ce qui concerne cette facette de lexploitation
des personnes âgées, la vigilance est de mise. Cette vigilance doit
sétendre aussi aux soins à domicile où la situation est souvent
semblable à celle des résidences privées et des CHSLD pour ce qui
a trait aux soins infirmiers prodigués par des intervenants non professionnels
et non qualifiés. " Les CLSC, nayant pas les ressources
suffisantes pour satisfaire à toute la demande de services, renvoient
de plus en plus souvent les usagers à des agences privées ou à des
entreprises déconomie sociale pour la prestation de soins et
de services par des auxiliaires familiales. Dans ces cas, les CLSC
ne contrôlent pas directement la qualité des soins et services " (Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec, 1998 : 11) et les personnes
les plus vulnérables peuvent subir exploitation et préjudices.
LOIIQ ne peut passer sous silence les situations de
manque de respect qui ont été observées lors des visites dinspection
professionnelle ou rapportées par ses membres intervenant dans les
CHSLD. Latteinte à la vie privée et à la dignité de la personne
peut se manifester au plan des soins et au plan de la vie en hébergement.
Au plan des soins, le manque despace fermé et réservé pour
la toilette personnelle, pour lutilisation de la chaise daisance,
etc. est à signaler. Même lorsque la personne est confuse, ces situations
de manque de respect affligent grandement les familles qui doivent
subir avec beaucoup de tristesse de telles situations.
De plus, dans plusieurs centres, les personnes âgées ne peuvent
pas choisir un intervenant de même sexe quelles pour les soins
intimes. Il faut également noter lutilisation répandue de la
culotte dincontinence. LAssociation des CLSC et des CHSLD
du Québec parle de 66 % des résidents auxquels elle est imposée « alors
que lon sait que 13 % de ces résidents pourraient assurer leurs
soins dhygiène seuls si une supervision était offerte " et
que » 15 % de ces résidents pourraient être continents sils
bénéficiaient dune aide plus fréquente pour aller à la toilette " (1999 :
3).
Au plan de la vie en hébergement, le manque despace privé est
souvent à déplorer. Plusieurs personnes doivent partager une chambre
contre leur gré. Parfois, chaque personne ne dispose que dà peine
un mètre autour de son lit comme espace réservé.
Lindifférence du personnel est aussi constatée. Elle consiste,
par exemple, à parler de choses et dautres avec un autre membre
du personnel pendant que la personne âgée est déplacée comme un objet,
sans que lon sadresse à elle le moins du monde. À dautres
moments on sadressera à elle avec une attitude et un langage
infantilisants. On négligera de lui fournir les explications pertinentes
en relation aux soins quelle reçoit ou on ne croira pas nécessaire
de lui communiquer toutes les informations dont elle aurait besoin
pour prendre une décision éclairée face à un traitement ou un plan
de soins. Le manque de respect se traduira aussi dans lattente
quon imposera à la personne âgée incapable de se suffire à elle-même.
Elle restera dans son fauteuil roulant pendant des heures avant que
quelquun ait le temps de répondre à son besoin.
Lorsquon réfléchit à lexploitation des personnes âgées
vulnérables, il faut aborder la violence physique et verbale qui,
malheureusement, dans certains milieux est monnaie courante. Ainsi,
au cours des quatre dernières années, les infirmières de lOIIQ
ont-elles été en mesure de constater la présence de la violence physique
et verbale dans quatre CHSLD parmi ceux qui ont été visités. Dans
trois de ces centres, le phénomène était institutionnalisé. Dans
le quatrième, il était limité à une seule unité dhébergement.
De quoi parle-t-on lorsquon parle de violence physique et
verbale? Il est question de gifles, de menaces, dintimidation,
de touchers et de mobilisations brusques, etc. On parle de personnes
qui sont échappées et tombent par terre, decchymoses et de
blessures inexpliquées. Pour un certain nombre de personnes âgées
en perte importante dautonomie, ces termes désignent leur expérience
quotidienne
De telles pratiques sont souvent connues, mais le silence les entoure,
les autres employés craignant les représailles, redoutant dêtre
marginalisés, etc. Dans certains milieux la norme est la violence.
Il nest pas accepté dêtre attentif, compatissant, poli à légard
des résidents. Des administrateurs débonnaires ou débordés, des conseils
dadministration ignorants les faits réels sont complices malgré eux
de la situation.
Ces situations dexploitation sont inacceptables. Les personnes
qui en sont victimes doivent être secourues sans tarder.
Les moyens dintervention
Dans la première partie de ce mémoire, lOIIQ, à partir de
lexpérience de ses membres et des mandats que lui confie la
loi, a voulu contribuer à lidentification et à la compréhension
de situations dans lesquelles le risque dexploitation des personnes âgées
est important. Dans cette deuxième partie, lOIIQ entend proposer
quelques moyens dintervention susceptibles denrayer ce
phénomène dexploitation. Il sont soumis à lattention
de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
afin que cette dernière fasse les recommandations et les représentations
qui simposent auprès des organismes concernés. De son côté,
lOIIQ est disposé à collaborer, dans toute la mesure de ses
possibilités, aux actions qui pourraient nécessiter ou bénéficier
de son appui.
Dans les pages qui suivent, les moyens dintervention préconisés
par lOIIQ font lobjet de recommandations qui sont regroupées
en deux blocs. Le premier concerne les centres dhébergement
et de soins de longue durée et le second vise les résidences privées.
Tout dabord, il apparaît à lOIIQ quun débat de
société simpose au sujet du niveau de soins que nous voulons
accorder aux personnes âgées. Ces citoyennes et ces citoyens, souvent
parmi les plus pauvres, les plus isolés, les plus malades, devraient
pouvoir compter sur des normes, des standards clairement établis
et énergiquement contrôlés concernant les soins et services que lensemble
de la société québécoise veut et peut leur procurer. Tant quun
tel débat naura pas lieu, le taux de réponse à leurs besoins
de santé et dassistance se situera à 68 % ou pire, il diminuera,
perpétuant une situation inacceptable dexploitation des personnes âgées
sous forme dinsuffisance de soins.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande la tenue dans les meilleurs délais
dun débat de société sur la situation des soins aux
personnes âgées et les normes et standards qui devront
baliser les interventions du réseau public à cet égard. |
De plus, lOIIQ croit à la nécessité dadapter la réglementation
des réseaux dhébergement tant publics que privés afin dassurer
une meilleure protection de la sécurité et du bien-être des personnes âgées.
Ainsi, pour ce qui est des CHSLD, la première action à entreprendre
vise létablissement de règles de transparence auxquelles devraient
se soumettre les établissements en ce qui regarde les services quils
offrent. Dans cette perspective, les CHSLD devraient avoir lobligation
de rendre publiques les données relatives :
- au profil du personnel soignant (nombre dinfirmières, dinfirmières
auxiliaires, de préposés, etc.);
- au ratio infirmière/résidents;
- au taux de réponse aux besoins de soins infirmiers et dassistance.
Laccès à linformation pour les personnes âgées et leur
famille constitue une base indiscutable, un minimum en dessous duquel
il est impossible de penser contrer lexploitation sous forme
de linsuffisance de soins.
Cette obligation dinformer se situe dans la ligne des efforts
accomplis aux États-Unis par le biais de lintroduction du Bill
H. R. 1288, appelé « Patient Safety Act » à la 106e Session
du Congrès en mars dernier. Cette loi actuellement à létude
obligerait les établissements à divulguer les informations concernant
le statut professionnel du personnel, les ratios infirmière/patients,
les taux de mortalité, les incidents reliés aux médicaments, les
infections, etc., les méthodes utilisées pour déterminer et ajuster
le personnel en fonction des besoins des personnes, les plaintes
reçues, les résultats des visites dinspection professionnelle,
etc.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que lobligation soit faite aux
CHSLD de rendre publiques les informations concernant le
personnel, les ratios, le taux de réponse aux besoins. |
Une deuxième cible daction, susceptible de contribuer à réduire
de manière significative lexploitation des personnes âgées
fragilisées par la maladie ou les problèmes cognitifs, concerne les
conseils dadministration des établissements de soins de longue
durée. Ces derniers ont la responsabilité didentifier les situations
dans lesquelles la qualité des soins et des services est déficiente.
Comme dans tout processus de changement, la volonté interne de lorganisme
savère un incontournable facteur de succès. En outre, il est
important que les administrateurs adoptent une approche damélioration
continue de la qualité, de valorisation des efforts de changement
et dencouragement au perfectionnement de la compétence et des
comportements professionnels.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande quen vertu de larticle
487.1 de la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, obligation soit faite aux conseils dadministration
des CHSLD, de rendre publics, au moyen de leur rapport
annuel dactivités, les événements relatifs à la qualité des
soins fournis la clientèle, en considération, notamment,
des taux daccidents/incidents (chutes, blessures,
erreurs de médication, etc.), des lésions de pression,
etc. |
En complément de ces obligations faites aux CHSLD, les centres hospitaliers
recevant des personnes âgées en provenance de ces établissements
devraient être tenus de signaler à la régie régionale blessures et
lésions suspectes (ecchymoses, hématomes, fractures, etc.). De cette
manière, un suivi pourrait être fait, des correctifs pourraient être
envisagés et la situation, à moyen et long terme, pourrait être réévaluée.
En procédant de la sorte, lexploitation des personnes âgées
vulnérables commencerait à être documentée, du moins en ce qui a
trait à la violence physique.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que les urgences des centres hospitaliers
de courte durée soient soumises à lobligation de
signaler à leur régie régionale les incidents/accidents
suspects pour lesquels sont traitées des personnes âgées
vivant dans les CHSLD privés et publics ou qui sont constatés à loccasion
dune autre raison de consultation. |
À lintérieur dune semaine ou dun mois, voire de
quelques heures, la situation de santé des résidents âgés peut évoluer
et nécessiter des réajustements importants. Comment offrir aux personnes âgées,
en tout temps, le niveau de soins que requiert leur état? LOIIQ
est persuadé que lun des éléments essentiels de la réponse à cette
question est la présence dau moins une infirmière en tout temps,
pour apporter les ajustements requis, prendre en charge lensemble
des interventions cliniques et assurer la continuité des soins.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande dobliger légalement les CHSLD à assurer
la présence dau moins une infirmière par quart de
travail. |
Un autre aspect important de lexploitation des personnes âgées
en CHSLD est relatif à la justesse de léquation milieu de vie
et milieu de soins. LOIIQ croit fermement en la nécessité dintégrer
les concepts de milieu de vie et de milieu de soins par ladoption
de modèles de gestion favorisant :
- lindividualisation des soins et le respect du rythme et
des habitudes de vie des personnes hébergées;
- la réponse aux besoins socioaffectifs et le respect des goûts
et des libertés des personnes âgées, tout en assurant leur sécurité.
Pour mettre en place ces modèles de gestion centrés sur les personnes âgées
et aussi pour répondre véritablement aux besoins de soins spécialisés
de cette clientèle,
LOrdre des infirmières et infirmiers du Québec
recommande que, sur une base régionale, tous les CHSLD
puissent bénéficier du soutien et de lexpertise dune équipe
multidisciplinaire en gérontogériatrie ou, au minimum dune
infirmière clinicienne en gérontogériatrie; quà cette
fin, une enveloppe budgétaire protégée soit dégagée. |
Les restrictions au plan des personnels affectés au soin, à lassistance
et à la surveillance des personnes âgées entraînent souvent lusage
abusif des contentions. Pour permettre de diversifier la solution
au problème de la sécurité des personnes âgées en perte dautonomie,
lOIIQ est convaincu de limportance, pour chaque établissement,
de mettre en place un programme de réduction des contentions en CHSLD.
Toutefois, le problème est plus large. Il manifeste le manque de
formation adéquate de tout le personnel (infirmières, infirmières
auxiliaires, préposés, etc.). Le travail auprès des clientèles vieillissantes
et lourdement handicapées ne simprovise pas. Le manque de formation
affecte autant la personne qui intervient auprès de ces clientèles
que les personnes âgées auprès desquelles elle intervient.
À cet effet,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que, dans tous les CHSLD du Québec :
- une masse critique de personnes intervenant auprès
des clientèles soit formée en gérontologie, à lintérieur
dun programme échelonné sur trois ans;
- un programme de réduction des contentions soit
mis en place et quune formation aux alternatives à lutilisation
de ce moyen soit offerte;
et quà ces fins un budget spécial soit alloué par
le Ministère. |
Pour enrayer les gestes et les paroles de violence dont sont victimes
des personnes âgées vivant en CHSLD, des mesures doivent être prises
de toute urgence. La tolérance zéro doit être appliquée. La loi du
silence doit être brisée. La sécurité de celles et ceux qui dénoncent
les actes de violence à lendroit des personnes âgées doit être
assurée. Laide aux soignants qui réagissent par la violence
aux nombreuses difficultés inhérentes au contact continu avec des
personnes en perte dautonomie physique, cognitive ou psychologique
doit être mise au rang des priorités. La création de groupes de soutien
dans laction doit être encouragée (Leblanc, 1997). Les comités
déthique et les comités des usagers doivent être impliqués
dans la recherche de solutions. Ces mesures et changements représentent
un chantier important et urgent.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande de rendre obligatoire lapplication
dun programme de prévention des comportements indésirables
de la part du personnel dans les CHSLD, lequel devrait
inclure ;
- lidentification des facteurs de risque;
- la formation du personnel sur les besoins et les
caractéristiques des personnes âgées et sur les approches à préconiser;
- les différentes modalités daide au personnel,
tel un groupe de soutien;
- limplication active et la consultation du
comité déthique;
- limplication active et la consultation du
comité des usagers.
|
Au chapitre des résidences privées, la situation est beaucoup plus
difficile à cerner. Elles prolifèrent à vue doeil. Une partie
de lexplication de ce phénomène tient au resserrement des critères
dadmission en CHSLD et au fait que les programmes de maintien à domicile
sont souvent débordés par des demandes trop nombreuses et des ressources
inadéquates. Il est toutefois utile de rappeler que lOIIQ a
noté une amélioration, par rapport à la situation prévalant en 1996,
concernant laccréditation des résidences privées sur une base
volontaire et limplication accrue de certains CLSC.
Le nombre impressionnant de résidences et, par voie de conséquence,
de personnes aînées qui y vivent, presse cependant lOIIQ dinviter
la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à se
préoccuper des moyens dinterventions aptes à enrayer lexploitation
des personnes âgées dans ces milieux. Linsuffisance de soins
et le recours à des personnes non qualifiées pour les prodiguer doit
constituer un foyer de préoccupation constante. La publicité trompeuse
ou ambiguë, linformation erronée ou incomplète concernant les
services offerts et le niveau de qualification du personnel demeurent
des éléments préoccupants.
Dans certaines régions, plusieurs personnes âgées vivant en résidences
privées et dont létat de santé sest détérioré se voient
privées de services de santé offerts par les CLSC. Le service de
maintien en résidences privées devient essentiel dans un Québec où les
CHSLD sont souvent débordés et restreignent leur accès aux personnes
présentant les déficits les plus sévères. Les services aux personnes âgées
en perte provisoire ou permanente dautonomie doivent être intégrés à lintérieur
du territoire desservi par chaque CLSC, de façon à assurer la continuité des
soins et des services et à arrimer les besoins de la population âgée
dune part, et les ressources appropriées dautre part.
La mise sur pied dun système intégré de services, peut-être
inspirée de lexpérience menée par la Division de gériatrie
de lUniversité McGill et le Département dadministration
de la santé de lUniversité de Montréal (Groupe de recherche
en services intégrés aux personnes âgées, 1997), apparaît comme une
solution prometteuse pour éviter que des personnes âgées demeurent
sans les soins ni lassistance nécessaire dans la résidence
qui les héberge.
En conséquence,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que les résidences privées aient lobligation
dafficher clairement et de tenir à jour les informations
relatives :
- au profil du personnel au service des résidents;
- aux périodes de service de linfirmière et
de linfirmière auxiliaire.
|
En corollaire,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que toutes les municipalités du Québec
soient tenues :
- dobliger les résidences de personnes âgées à demander
un permis dopération, renouvelable aux trois
ans;
- de faire respecter les normes daménagement
des lieux et de sécurité en fonction de la clientèle
en perte dautonomie;
- de vérifier laffichage des informations
relatives au profil du personnel et aux périodes
de services de linfirmière et de linfirmière
auxiliaire.
|
De plus,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que soit encouragé par loctroi
de subventions, par la diffusion dinformations, etc.,
le mouvement daccréditation des résidences privées
déjà amorcé dans quelques régions avec la collaboration
des organismes daînés et des CLSC. |
En outre,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande dencourager, par loctroi
de subventions, la diffusion dinformations, la reconnaissance
publique de leur contribution, etc., les organismes qui
participent à laccréditation des résidences privées
et dinviter explicitement ces derniers à considérer :
- lexistence et lapplication de mécanismes
pour protéger les droits des personnes, tels un comité de
résidents, un mécanisme de traitement des plaintes
et un code déthique du personnel;
- lexactitude des informations affichées concernant
le profil du personnel et les périodes de services
de linfirmière et de linfirmière auxiliaire.
|
Enfin,
LOrdre des infirmières et infirmiers
du Québec recommande que les CLSC de toutes les régions
soient incités, par un financement et tout autre soutien
nécessaire, à démarrer un " système de services
intégrés aux personnes âgées en perte dautonomie " et
que ce système assure, notamment aux personnes hébergées
dans les résidences privées, les services que requiert
leur état, en complémentarité avec les services déjà offerts
dans la résidence, le cas échéant. |
Conclusion
Le
souci manifesté par la Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse à légard des situations dexploitation
que rencontrent trop souvent les personnes âgées les plus vulnérables,
constitue un moment important dans la lutte contre les abus et
négligences de toutes sortes dont elles sont victimes. LOIIQ
sinscrit explicitement au rang des organismes qui entendent
mener cette lutte et la gagner.
Pour y parvenir, il apparaît absolument capital de
regrouper toutes les énergies, les expertises, les moyens financiers,
les influences et les plans stratégiques élaborés en ce sens. Autrement
dit, il importe de sinscrire dans un mouvement de concertation
et de mise en commun des actions menées par divers organismes.
Cette synergie constitue un inéluctable facteur de succès. Cest
cet esprit qui a présidé aux références, dans les pages qui précèdent, à ce
que font la FADOQ et certains CLSC.
De plus, tout au long de la réflexion conduite par
lOIIQ en vue de la rédaction de ce mémoire, les travaux,
les principes, les orientations du Conseil des aînés se sont avérés
inspirants et leur capacité de servir de point dappui et
de guide a été expérimentée. Les documents émanant de cette instance
gouvernementale dont la fonction est de « promouvoir les droits
des personnes âgées, leurs intérêts et leur participation à la
vie collective ainsi que de conseiller le ministre sur toute question
qui concerne ces personnes, notamment quant à la solidarité entre
les générations, louverture au pluralisme et le rapprochement
interculturel » ont représenté une source dinformation
privilégiée.
En conséquence
LOrdre des infirmières
et infirmiers du Québec, dans une optique de concertation
et de regroupement des forces, donne son appui au Conseil
des aînés et demande que les recommandations quil
a formulées dans le document intitulé Avis sur les
abus à légard des personnes aînées soient étudiées
et mises en uvre dans les meilleurs délais. |
Notes de
bas de pages
1. Ce
terme souvent utilisé, notamment par le Conseil des aînés qualifie
la discrimination en raison de lâge. Ainsi associe-t-on souvent
les aînés à un fardeau social et économique.
2. Au
31 mars 1999, lOIIQ comptait 66 351 membres. De ce nombre,
14,5% déclaraient exercer la profession spécifiquement dans le
champ de la géronto-gériatrie (Ordre des infirmières et infirmiers
du Québec, Statistiques relatives aux infirmières et infirmiers
inscrits au tableau au 31 mars 1999. Direction de ladmission à la
profession, Octobre 1999).
3. Quil suffise
de mentionner lAssociation des CLSC et des CHSLD du Québec
(1999) : Mémoire pour des milieux de vie et de soins de
qualité en centre dhébergement et de soins de longue durée;
le Conseil des aînés (1995) : Avis sur les abus à légard
des personnes aînées; le Conseil des aînés (1996) : Mémoire
sur le Projet de loi 191 Loi sur la protection des droits
des aînés; Le Comité sur les aînés en résidence de la Table
de concertation " Vieillir sans violence " (1996) : La
violence faite aux aînés dans les résidences privées ",
Conseil du statut de la femme (1999). Des nouvelles delles Les
femmes âgées du Québec. Gouvernement du Québec, etc.
4. Linfirmière clinicienne
spécialisée en gériatrie détient une expertise dans les soins aux
personnes âgées, expertise qui lui permet doffrir un soutien
(formation, consultation, implantation de programmes de soins,
etc.) au personnel soignant pour les situations cliniques complexes.
5. Sur 20 résidences visitées
en 1996-1997, 7 ont fait lobjet de signalement aux régies
régionales concernées et une lettre a été envoyée à la Conférence
des régies régionales.
Bibliographie
Association des CLSC et des CHSLD du Québec (1999). Mémoire pour
des milieux de vie et de soins de qualité en centre dhébergement
et de soins de longue durée.
Comité sur les aînés en résidence de la Table de concertation « Vieillir
sans violence » (1996). « La violence faite aux aînés
dans les résidences privées ».
Conseil des aînés (1995). Avis sur les abus à légard des
personnes aînées.
Conseil des aînés (1996). Mémoire sur le Projet de loi no 191 Loi
sur la protection des droits des aînés.
Conseil du statut de la femme (1999). Des nouvelles delles Les
femmes âgées du Québec. Gouvernement du Québec.
Groupe de recherche en services intégrés aux personnes âgées (1997). Système
de services intégrés pour personnes âgées en perte dautonomie
(SIPA) Rapport présenté à la Direction générale de la planification
et de lévaluation, ministère de la Santé et des Services
sociaux. Division de gériatrie, Université McGill et Département
dadministration de la santé, Université de Montréal.
Leblanc J. (1997). Groupe de soutien : un outil de responsabilisation
in Hébert R., Lacombe G., Kouri K. Les échanges cliniques et scientifiques
sur le vieillissement Actes du Congrès scientifique. Sherbrooke
1997 : 186-190.
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (1998). Bilan et
perspectives de lOIIQ sur la réforme du système de santé.
(Document présenté au ministre de la Santé et des Services sociaux
dans le cadre de la consultation sur le bilan et les perspectives
de la transformation du réseau de la santé et des services sociaux).
Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (1999). Statistiques
relatives aux infirmières et infirmiers inscrits au tableau au
31 mars 1999. Direction de ladmission à la profession.
Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre
(1997). La violence envers les aînés : Rapport synthèse.
Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre
(1998). Cadre de référence concernant les ressources dhabitation
privées.
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